23/01/2014

Editorial Feuille d'acanthe


Feuille d’acanthe 17  EDITORIAL
Cent ans de protection
Cette année, les Journées européennes du Patrimoine ont mis à l’honneur la Loi de 1913. Cette loi place sous la protection de l’Etat des biens qui sont jugés comme des biens d’exception présentant un intérêt tel qu’aucun propriétaire privé ne peut les accaparer. Ils deviennent dès lors des biens qui appartiennent à tous et méritent d’être transmis.
La première liste nationale, établie en 1840 compte 934 édifices nécessitant protection dont 70 en région Aquitaine. Aujourd’hui, quelque 43 000 édifices et 260 000 objets sont classés ou inscrits au titre des monuments historiques ! C’est dire quel immense travail d’inventaire, de protection, de restauration a été fait en 100 ans.
               Mais limiter l’efficacité de la loi à un bilan quantitatif serait réduire sa portée. En un siècle, la notion de patrimoine a profondément évolué. Initialement centrée sur l’idée d’œuvre isolée exceptionnelle, s’intéressant quasi exclusivement au patrimoine mobilier voire immobilier, elle a en effet progressivement concerné de nouvelles catégories comme les témoignages de la vie rurale, industrielle, de l’activité scientifique et technique, jusqu’aux réalisations les plus contemporaines. Surtout, elle a pris une dimension immatérielle comme les coutumes ou les paysages, et elle englobe aujourd’hui des ensembles signifiants : on parle non plus de monument mais de zone à protéger, et plus précisément de « Zone de Protection Patrimoniale, Architecturale, Urbaine et Paysagère (ZPPAUP »). L’évolution se poursuit avec l’adoption d’un nouveau nom, celui d’Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP) traduisant à son tour la convergence entre les patrimoines et les questions environnementales. La valeur symbolique et la dimension sociale enfin,  sont désormais une dimension incontournable : « Contez-nous vos patrimoines » demande Pau, Ville d’Art et d’Histoire. On prend conscience que la question patrimoniale n’est pas inscrite dans l’objet lui-même, que c’est le regard qui change et l’implication des citoyens qui s’affirme. "Ce que nous constatons et ce qui est marquant durant les 15 dernières années, c’est la participation croissante des citoyens, analyse l’historien Guy Saupin. Ils sont extrêmement actifs et questionnent les politiques qui sont obligés d’être attentifs à ces questions… ". Désormais, le ministère de la Culture  n’entend plus protéger quelque chose sans l’assurance d’un projet d’avenir et l’existence d’un suivi.
De la protection de la prestigieuse cathédrale de Lescar à celle de la tapisserie de la chapelle St Luc, porteuse d’une histoire humaine et spirituelle qui rayonne encore, le patrimoine religieux n’a pas échappé à ces évolutions. Préserver et mettre en valeur le patrimoine, c’est au final une façon pour le citoyen et le croyant de se saisir de sa vie.                                                
Catherine Putz